Garcette

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Anaëlle Le Blevec, une histoire de sport(s)

Anaëlle Le Blevec, une histoire de sport(s)

Anaëlle est championne de Handi Surf, sportive accomplie, militante féministe et professeure des écoles à Ploemeur (56). A seulement 31 ans, la jeune femme multiplie les casquettes, et depuis quelques années, elle est aussi marraine d’un projet tout à fait hors du commun, qui réunit plusieurs de ses combats : TouteSport [lien : https://fncidff.info/actions/developper-la-pratique-sportive-chez-les-femmes/ ]  Elle a accepté de rencontrer Garcette, pour nous raconter son parcours et son implication dans ce programme national qui promeut l’autonomie personnelle et professionnelle des femmes par le sport.

Garcette : D’où vient ta relation si forte avec le sport ?

Annaëlle Le Blevec : A 3 ans et demi, j’ai perdu la capacité de marcher normalement, je ne pouvais plus courir, je chutais beaucoup. Mes parents m’ont fait faire un tour de France des médecins et c’est quelques années plus tard que le diagnostic est tombé : j’ai une maladie génétique évolutive et héréditaire qu’on appelle Strümpell-Lorrain. Pourtant, malgré les corsets, les analyses et les traitements, j’ai fait du sport toute mon enfance. J’ai pratiqué la danse, l’escalade, l’équitation… Pas à l’école (on avait peur que je me blesse), mais en dehors. Je ne pouvais pas courir, donc j’ai pas mal cherché des sports qui pouvaient me convenir, selon mes envies. J’ai testé beaucoup de pratiques, même si les encadrants ne s’adaptaient pas toujours à ma situation. Je voulais me prouver que je pouvais faire des choses. A l’adolescence, j’ai commencé la musculation. Il n’y avait que des hommes dans les salles de sports à l’époque, ça m’éclatait de pouvoir les battre en tractions. L’année de ma terminale, j’ai organisé l’évènement du Téléthon dans mon lycée. Toute mon enfance, j’avais cherché à cacher mon handicap – qui était pourtant bien visible. Là, j’ai fait le choix de me mettre en avant, pour quelque chose de positif, un projet sportif. Ça a eu un succès fou et ça m’a donné confiance. Et puis, je suis entrée en fac d’histoire et je suis devenue responsable de l’ensemble des projets lycéens et universitaires du Téléthon à l’échelle de mon département. J’étais passée de celle qui voulait passer inaperçue, à celle qui s’exposait et qui parlait de sa situation de handicap devant des dizaines d’étudiant.es dans les amphis.

Garcette : Quand est-ce que tu as découvert le handi-sport ?

A.LB : Grâce au Téléthon, j’ai assisté à un match d’handi-basket. Jusqu’à ce moment-là, j’avais toujours refusé de m’assoir dans un fauteuil, c’était ma hantise. Je refusais le handicap, je me disais que « je marchais mal ». Je pensais que le handicap allait me couper de toute vie pro et perso, et le fauteuil en était le symbole. Et pourtant, ce jour-là, j’ai vu ces gars en fauteuil aller à une vitesse dingue sur le terrain, et j’ai eu envie d’essayer. Ça a été une révélation. Je me suis inscrite au club de basket dans la foulée. Il n’y avait que des gars dans l’équipe, dont beaucoup de valides et de pompiers, mais j’avais une vraie force musculaire dans les bras et j’aimais me mesurer aux autres. J’avais besoin de me dépasser et de me prouver que j’en étais capable. Ma maladie a empiré pendant ces années-là, je souffrais et je n’arrivais plus à marcher sans béquilles. Les médecins étaient plutôt pessimistes, mais j’ai demandé à faire du sport adapté à l’hôpital. Et ça m’a portée, six mois plus tard, j’ai pu récupérer mon état initial. J’ai retrouvé le moral. A cette période de ma vie, je me rendue compte à quel point le mental et le corps étaient liés.

G : Et après tes études alors ?

ALB : Je suis partie 6 mois en service civique en Grèce. Je pensais que je ne pourrais jamais partir seule parce que j’étais femme et handicapée. Mais, ce départ est devenu une obsession pour moi. Il fallait que je me prouve quelque chose, que je me réinvente quelque part. J’avais 21 ans, j’étais plutôt débrouillarde et j’ai eu l’impression de naître là-bas. Quand je suis rentrée en France, je me suis installée à Lorient pour finir mon master tout en étant à proximité du centre de rééducation fonctionnelle de Kerpape. Je suis devenue institutrice et j’ai été nommée dans une école de Ploemeur.

G : C’est à Lorient que tu as commencé le surf ?

ALB : Oui, grâce à l’association Vagdespoir [lien : https://www.vagdespoir.com/page/213740-presentation ]. Je viens de Mayenne, alors pour moi, le surf était un sport pour hommes jeunes et en parfaite santé, qui prennent des grosses vagues… Pas vraiment mon profil. Mais dès la première séance, ça a été le kiff total : sensation de liberté, de vitesse et de maîtrise. J’ai rejoint le CA de Vagdespoir et je me suis mise à fond dedans. En parallèle, j’ai commencé le tennis et j’ai repris le basket. A cette époque, je faisais 6 à 8 heures de sport par semaine. C’était ma façon de m’occuper de moi. En 2017, il y a eu les premiers championnats en Bretagne. J’ai gagné et on est partis aux championnats de France. Quand je suis devenue championne de France, il y a eu un effet boule de neige, j’ai réalisé plusieurs interviews, on me demandait évidemment de parler de mon statut « d’handi » mais aussi de mon statut de femme. Peu à peu, je me suis politisée et j’ai commencé à m’intéresser au féminisme.

G : C’était le début de #MeToo. Est-ce que ça a un lien avec ton intérêt naissant pour le féminisme ?

ALB : En 2018, c’est surtout le collectif #NousToutes qui nait à Lorient : https://www.noustoutes.org/.  Au début, nous étions peu nombreux.ses. Notre revendication principale était de rouvrir un lieu d’accueil pour les femmes victimes de violences (combat gagné avec l’ouverture de L’écoutille en 2021 [lien https://www.lorient.bzh/pratique/actus-vie-pratique/vue-detaillee-dune-actu-vie-pratique/lecoutille-un-lieu-dedie-aux-victimes-de-violences-conjugales-et-intrafamiliales ]. A cette période, j’ai dû arrêter le sport car j’étais blessée aux épaules. Je me suis donc investie à fond dans le militantisme. Le 25 novembre 2019, on a participé à Paris à une marche contre les violences faites aux femmes : on portait un cercueil sur lequel on avait écrit « ci-gît le patriarcat », c’est un souvenir très fort.

G : La même année, tu es devenue la marraine de TouteSport ?

En fait, j’avais pris contact avec FDFA (Femmes pour le dire, femmes pour agir) [lien https://fdfa.fr/] une association qui milite en faveur des droits des femmes en situation de handicap. Avec elles, j’ai participé à une conférence sur le thème de l’empowerment des femmes par le sport. C’est à la fin de mon intervention qu’on m’a proposé d’être la marraine du programme TouteSport.

G : Quel est le principe de ce programme ?

ALB : Le projet est né en 2016 et réunit la question des droits des femmes, de l’isolement et des bienfaits du sport.  L’idée est de réunir un groupe de 8 à 12 femmes isolées, en rupture socio-professionnelle, et de leur proposer d’intégrer un programme de sport sur une douzaine de mois. Chaque semaine, elles bénéficient d’une activité sportive et d’un temps d’échange. Le premier groupe a permis d’identifier les freins à la pratique sportive chez les femmes. Il y avait des allophones, beaucoup de mères célibataires, des femmes victimes violences conjugales. Elles étaient toutes déjà suivies par le CIDFF (centre d’information sur les droits des femmes et des familles). Se posaient là très clairement des questions d’intersectionnalité, puisque les freins pouvaient être multiples. Ils pouvaient être d’ordre financier, être liés à l’impossibilité pour certaines de s’autoriser du temps, à la peur de sortir seule, au sentiment d’incapacité totale de faire du sport, etc… mais il était également question de sororité, d’entraide entre femmes, de non-mixité. Un film documentaire, Gagner des centimètres, raconte d’ailleurs le parcours des premières femmes qui ont participé au projet en Maine-et-Loire.

G : Quels sont les premiers résultats observés ?

ALB : L’objectif de TouteSport est de prouver à ces femmes qu’elles sont capables de beaucoup de choses. On leur propose d’abord des sports plutôt doux, et puis on augmente la difficulté à mesure qu’elles reprennent confiance. Le programme se solde par un retour à la formation ou à l’emploi pour près de 90% ce ces femmes. Toutes témoignent du fait que participer à ce programme a changé leur vie, qu’elles font des choses aujourd’hui qu’elles pensaient ne pas être en mesure de faire avant. En tant que marraine, je les accompagne lors de séances de sport, je témoigne de mon expérience lors de conférences et je participe aux évènements nationaux, mais aussi locaux, en Bretagne. Le pôle TouteSport devrait d’ailleurs bientôt démarrer à Lorient.

Pour en savoir plus, rendez-vous sur la page Facebook de TouteSport [lien https://www.facebook.com/TouteSportEtVous/?locale=fr_FR ]

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